Qui sera la proie... ? [Pv Alan]

Le Soleil venait de disparaître des Rues de Forks tandis que quelques lampadaires diffusaient leur lumière orange et tremblotante pour ne pas plonger la petite ville dans le noir total. C'était l'heure où les derniers passants rentraient chez eux avec leurs achats de l'après-midi alors que d'autres sortaient pour rejoindre un bar et passer une soirée agréable entre amis.
Nael, lui, marchait simplement à la dérive, laissant vagabonder ses pas autant que ses pensées qui étaient toujours focalisées sur l'absence de Lizzy et la haine qu'il se portait à lui-même. De plus, l'envie de sang était revenue, bien qu'il n'en eût pas réellement besoin.
Combien de temps avant que la vampire ne revienne ? Il avait bien essayé de retrouver sa trace, mais même ses sens, plus développés que ceux d'un autre vampire grâce à son don, n'avaient pu suivre la piste menant à Elizabeth. L'odeur de sa voiture se mêlait aux autres, et il avait fini par admettre qu'il l'avait bel et bien perdue.
Dès lors, il était retourné à Forks e avait commencé de déambuler dans les ruelles, se cachant dans l'ombre, attendant la nuit et une chasse qui lui changerait les idées pendant quelques instants. Et à présent que l'heure de se sustenter était arrivée, il laissait libre cours à son odorat qui repérerait l'humain à l'odeur la plus alléchante.
Il dénicha une jeune femme d'une vingtaine d'années, deux rues plus loin, et s'élança aussitôt, la brûlure dans sa gorge reprenant vie lorsqu'il inspira pleinement l'arôme du sang. Elle n'aurait aucune chance et ne remarquerait même pas que la mort en marche s'approchait d'elle. Elle ne sentirait que la douleur de feu dans son sang durant une poignée de secondes, juste avant que l'inconscience ne la prenne.
Et à cet instant, Nael se rendit compte qu'il ne le souhaitait pas. Du moins, pas de cette manière.
Il voulait lui parler, il voulait entendre sa voix et profiter de sa présence un court instant, tant le sentiment d'abandon était fort en lui. Alors il sortit de l'ombre et s'avança dans la lumière du réverbère, juste en face de sa victime.
Elle sursauta en le voyant arriver si près, puis laissa échapper un petit rire, en s'excusant d'un « Vous m'avez fait peur ! », tandis qu'elle jaugeait son apparence, les joues rosies.
Cette concentration de sang tordit la gorge du vampire qui esquissa un simple sourire avant de s'approcher encore à une vitesse telle qu'elle n'en vit rien. Il passa son bras derrière la nuque de la jeune femme et plaqua sa main sur ses lèvres douces, la collant contre lui. Elle tenta de crier, mais Nael l'en empêchait tandis qu'il retournait dans l'ombre de la ruelle avec sa proie.
Il allait arracher la peau de sa victime pour atteindre l'artère au moment où une nouvelle odeur fit son entrée en scène. Elle signifiait pour lui « méfiance » et peut-être « danger », car si un deuxième vampire s'approchait, il n'avait pas assez d'expérience pour savoir s'il resterait de côté où tenterait de s'abreuver de sa victime à l'odeur si délicieuse.

Après une longue semaine éprouvante à New-York, Alan rentra enfin à Forks, bien heureux de retrouver sa petite bourgade préférée. New-York était une ville trop bruyante, trop polluée, trop illuminée. Une ville toute en excés. Heureux de quitter cette ville, heureux de quitter des vampires misérables, heureux de recouvrer un semblant de liberté. Il pensait déjà qu'il avait fait une erreur en s'engageant aux côtés de Roy dans cette bataille, même si c'était le seul moyen pour se hisser au sommet. La voiture de Roy le déposa devant son appartement et repartit aussitôt. La jeune vampire regarda la fumée de la voiture s'éloigner lentement, du moins, il pensa que la voiture rouler lentement. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de se rendre compte qu'il était bel et bien rentré. Le jeune vampire passa une main dans ses cheveux noirs et marcha sans réel itinéraire. Il ne voulait pas rentrer, non, pas maintenant. Il devrait d'abord trouver de quoi se nourrir. Le véritable sang lui manquait et au moins, il chasserait pour lui et non pour des microbes qui se prenaient pour des vampires qui n'étaient même pas capable de chasser eux-mêmes. Les mains dans les poches de sa longue veste en cuir, il remarqua alors qu'il ne pleuvait pas. Rare pour la ville. Il en vint même à regretter qu'il ne pleuve pas. Etrangement, la pluie ne le gênait pas, ou ne le gênait plus. Dans la sud de la France, rare étaient les journées pluvieuses. Même en hiver, le soleil était toujours omniprésent.
Le vampire marcha, marcha jusqu'à ce qu'il croise enfin une jolie blonde à l'odeur particulièrement sucrée, sûrement un parfum à la vanille. Déterminé à goûter à nouveau aux plaisirs de la chair, il s'avança vers elle, en catimini, pour faire monter en lui l'adrénaline. Un sourire sordide se dessina sur son visage. Vu de dos, elle était plutôt belle, jeune. Parfaite. Il continua à s'avancer lentement quand il vut apparaitre un autre vampire. Alan s'arrêta net, les poings serrés. Il ne le connaissait pas, il ne connaissait pas, pourtant, il avait déjà sentit sa présence à Forks. Il se racla la gorge et continua sa marche vers la jeune femme. Une fois derrière le vampire, il lui susurra d'une voix suave :

"- Tsss... Elle est à moi. Casse-toi et il ne t'arrivera rien mon coeur...".

Apeurée, la jeune femme poussa un petit cri aigu et prit ses jambes à son cou. Alan soupira, les yeux fermés:

"- Sais-tu depuis combien de temps j'ai pas eue un vrai repas ? Et elle vient de se casser... Bon bah, c'est toi qui me servira de casse-croûte !".

Sans donner le temps au jeune vampire de se défendre, il le plaqua au mur et le souleva, de sorte à ce que ses pieds ne touchent plus le sol.

Nael retint un juron. Il avait mal jaugé la distance qui le séparait de l'autre vampire, et avait été pris par surprise, comme un gosse ! Et voilà qu'il s'était retrouvé plaqué contre le mur par ce chasseur plus fort que lui de par le fait qu'il n'avait certainement pas passé les quarante dernières années de sa vie à boire du sang animal.
Il attrapa les poignets de son assaillant avec ses mains et tenta de lui faire lâcher prise, tandis qu'un de ses genoux partait en plein contre l'abdomen de l'inconnu qui, surpris, recula de quelques pas et permis à Nael de reposer pied à terre en bousculant son adversaire.

« Et toi sais-tu seulement combien de vrais repas j'ai eu dans ma vie entière ? »

Un grognement furieux s'échappa de la gorge du vampire tandis qu'il agrippait le col du manteau de son ennemi, et il ne put s'empêcher de remarquer la fragrance qu'il dégageait. C'était quelque chose de subtil et vicieux à la fois, une senteur très difficile à cerner.
Toutefois il ne put s'accorder le luxe de respirer l'odeur étrange plus longtemps, car les deux vampires, emportés dans leur élan, allèrent s'écraser contre le mur opposé de la ruelle qui émit un craquement sinistre.
Ils n'étaient pas réellement sonnés, mais chacun lâcha sa prise sur l'autre pour se remettre à grogner. Trois mètres à peu près les séparaient à présent, et l'odorat de Nael était obstrué par la poussière qui s'élevait doucement autour d'eux.

« La seule chose que tu as gagnée, c'est de voir partir la meilleure proie de la soirée. Quel gâchis ! Ca t'aurait fait mal de me la laisser et de chercher quelqu'un d'autre ? »

Nael sentait à la manière dont l'autre vampire se tenait, et surtout à sa confiance en lui, que l'inconnu était plus âgé et surtout très bon chasseur, aussi l'atteindre sur l'un de ses points forts semblait pour lui la meilleure des provocations, même si - il en avait conscience - ce petit jeu pourrait également se révéler dangereux. Il avait bien peu de chances de s'en tirer dans un affrontement direct.

Toujours encastré dans le mur, Alan se releva sans peine et épousseta ses vêtements. Il toussa un instant puis jeta un regard noir à son adversaire avec un sourire assez méprisant. A en croire la couleur de ses yeux, le jeune vampire en face de lui ne se nourrissait que depuis récemment de sang humain. Son sourire s'élargit. Le petit vampire venait de devenir sa proie. Une proie d'autant plus agréable. Il tourna tout autour de lui, le jaugeant du regard et finit par lâcher un rire sarcastique :

"- Mon p'tit lapin... Tu sais pas dans quoi t'es tombé... Si j'avais voulu te la laisser, tu serais mort après t'être abreuvé. Gentil petit mouton...".

Alan fit craquer ses phalenges puis ses vertèbres. Il voulait s'amuser, faire payer à ce petit insolent de l'avoir dérangé, lui faire payer ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire. Il inspira profondément et, en une pointe d'accélération, se retrouva face au petit ingénu. Il l'attrapa par le cou et lui murmura :

"- T'inquiète , j'vais juste m'amuser un peu... Tu ne sentiras presque rien...".

D'un mouvement, le vampire envoya valser son ennemi dans le même mur qui, plus tôt, avait accueillit Alan. Le vampire passa una main dans ses cheveux et fit les cent pas en parlant tout seul :

"- Ah ah ! Si je feule ? Hein ?! Il aura encore plus peur ? La torture ? Quelle genre de torture ? Et si je buvais son sang... Hmmm ... Très excitant... Oui... Ah ! Oui... Non... Pas ça, non... Trop violent... Peut-être que...".

Alan s'ébourriffa les cheveux, les yeux mi-clos. Il s'accroupit puis se releva en hâte. Cette semaine chez les Negens l'avait perturbée davantage. Il se raidit et s'avança en sautillant vers le jeune vampire. Plus sérieux et sur un ton candide, il lui cracha :

"- Tu veux jouer à quoi, sachant que tu perdras d'avance...? ".

Le vampire semblait instable, comme s'il parlait à quelqu'un d'autre, qui ne serait pas présent. Il pensait tout haut, et cela permit à Nael de se reprendre, alors que les fissures dans le mur gagnaient en longueur et en largeur. Et il avait beau ne pas valoir grand chose face à l'inconnu, s'il savait mettre à profit cette instabilité, peut-être aurait-il le temps de s'enfuir. Comme un lâche, mais au moins il aurait la "vie" sauve.
A cet instant son adversaire termina son monologue inquiétant et s'approcha en sautillant.

« Tu veux jouer à quoi, sachant que tu perdras d'avance...? »

Le vampire s'était pas mal rapproché, et Nael pouvait voir l'intensité de la lueur mesquine au fond de son regard. Ce qui ne l'aida pas à se concentrer, il fallait l'avouer. Il décida toutefois de jouer le jeu de l'ennemi et posa délicatement sa main à plat sur la poitrine du vampire, changeant lui aussi radicalement de comportement pour tenter de le déstabiliser.

« Je suis certain que ton imagination travaille à une vitesse folle, alors vas-y, balance-nous quelques unes de tes idées... »

Il plongea ses yeux dans ceux de son assaillant et une fois de plus son odeur lui parut étrange, comme si elle avait été séparée en deux. Oui, c'était cela, il y avait deux fragrances partagées.
Il tenta de ne plus penser à cela, surtout dans un instant pareil, où il découvrait finalement l'un des désavantages de son don.

Le lampadaire près d'eux grésilla puis s'éteignit dans un grincement strident. Seul l'astre lunaire éclairait les deux vampires. Alan baissa son regard sur la main posée sur son torse ; un sourcil se leva et il perdit son sourire. Venait-il de trouver un autre vampire adepte de ce style de jeux ? Il se recula d'un pas puis se pencha en arrière pour donner un coup de pied dans le thorax de son adversaire qui vint, de nouveau, s'écraser contre le mur. Alan ricana en sautant sur place et, quelques secondes après, recouvrit un visage blasé et froid. Il lui lança :

"- C'est moi qui décide. C'est moi le maitre. Je commande et tu t'exécutes...".

Alan fit quelques pas dans la ruelle sombre, les mains derrière le dos, soupirant. Oui, c'était lui le maitre et il trouverait bien un moyen de s'imposer chez les Negens, quels qu'en soient les sacrifices à faire. De toute façon, il n'avait vraiment plus rien à perdre. Il passa une main dans ses cheveux comme pour les recoiffer et se mit face au jeune homme. Il s'accroupit face à lui et, avec une mine candide, la tête penchée sur le côté, il lui demanda :

"- Je veux savoir comment tu t'appelles...".

Le vampire plaqua son adversaire contre le mur en s'asseyant sur lui et huma ses cheveux, les yeux mi-clos. Il descendit son nez jusqu'à l'oreilles gauche de son camarade vampire et la lui lécha rapidement. Le jeune vampire possédait encore l'odeur sucrée de la demoiselle blonde, un parfum sucré qui faisait vibrer les narines d'Alan. Un parfum sucré et vanillé qui lui rappelait celui de Camille.

Après un nouveau coup que Nael se força à encaisser, pour la simple et bonne raison que tant que l'inconnu continuerait son divertissement, il resterait en vie, le vampire eut du mal à ne pas réagir à la phrase de son nouveau compagnon de jeu.

« C'est moi qui décide. C'est moi le maitre. Je commande et tu t'exécutes... »

Il réprima une grimace de dégoût et de colère. S'il y avait bien quelque chose que Nael chérissait plus que tout de sa condition de vampire, c'était la liberté qu'elle lui offrait. Et voir ainsi ce type se ramener pour écraser aussi facilement son indépendance totale le répugnait. Mais il resta impassible, au prix d'un grand effort, et ne réagit pas plus lorsqu'il fut plaqué contre le mur. Apparemment, son psychopathe d'adversaire aimait commander, aussi il se soumettrait jusqu'à ce qu'il trouve une quelconque échappatoire.

« Je veux savoir comment tu t'appelles... »

A cet instant, l'inconnu plongea son visage jusqu'à son oreille et y passa un rapide coup de langue, comme pour le sentir, le gouter.
Seulement, en se penchant ainsi, il laissait également à découvert une partie de sa gorge, et Nael vit enfin une sortie de secours. Il émit un feulement mordit violemment le vampire, avec toute la rage et le désespoir qui s'étaient accumulés en lui depuis le départ de Lizzy. Toute la rancoeur qui n'était pas sortie de lui lorsqu'il avait détruit la moitié du mobilier de leur ancienne maison.
Puis il poussa son ennemi et se dégagea de ce poids qui l'avait cloué au sol et se remit debout, cherchant des yeux un endroit pour se sortir de là. Une gouttière attira son attention et il s'élança.

Sans s'y attendre, le jeune vampire planta ses crocs dans le cou d'Alan qui poussa un long gémissement. Il se roula à terre, comme pour éteindre des flammes invisibles et se mit à ricaner. Le jeu devenait intéressant. Alan se redressa à l'aide des ses avant-bras et finit par se relever complètement, époussetant sa veste comme à son habitude. Il porta une main à la plaie ensanglanté et sourit. Il passa deux doigts sur ses lèvres et lécha son propre sang en fermant les yeux, frissonant presque. Il croisa ensuite les bras sur son torse et remarqua que le jeune vampire pensait pouvoir s'enfuir en escalladant les petits immeubles. Il n'en sourit que davantage. Finalement, il allait réellement s'amuser comme un fou. La plaie mit plus de temps à cicatriser qu'une blessure normale. Le vampire avait sentit toute la rage que son agresseur avait mit dans sa morsure, toute la peine qu'il ressentait.

*Alors comme ça, c'est une pauvre petite chose abandonnée ? Viens mon coeur, je saurais réconforter tes pleures et sécher tes larmes.*

Chaque pas renforçait son appétit de profiter de son adversaire. Il grimpa au mur sans peine et le suivit jusque sur le toit. Il ricana de nouveau et tourna sur lui-même, l'air enjoué :

"- Vilain ! Tu m'as mordu ! J'vais devoir te rendre la monnaie de ta pièce, tu sais ça ?!".

Pas à pas, il se rapprochait de lui. Alan se mordit la lèvre avant de continuer, le regard provocant :

"- Sais-tu que le sang de vampire est très aphrodisiaque ?".

Alan mit son index dans sa bouche et le fit glisser sur sa lèvre inférieure, le regard perdu dans celui de son adversaire.Tout un tas de questions se bousculèrent dans son esprit perturbé.

Quelle était la couleur de ses yeux ? Son nom ? Est-il Américain ? Pourquoi ressentait-il une telle rage ?

Au fond, tout ça, il s'en foutait. Au fond, ce n'était qu'une victime de plus, pas vrai ?

Si Nael avait eu un peu de répit en grimpant jusque sur le toit, il avait mal jugé l'inconnu qui était monté à sa suite aussi vite que s'il avait volé. Et à présent, ce malade laissait entrevoir son esprit pervers, encore plus amusé par la tournure des événements. Le vampire passait son doigt sur sa lèvre inférieure et se délectait de se sentir plus fort.
Quant à Nael, il avait à nouveau son odeur dans le nez, ce qui l'exaspéra au plus haut point puisque cela l'empêchait de se concentrer correctement. C'était la première fois qu'il ne pouvait reconnaître une fragrance.
Il chassa ces pensées de son esprit et examina sa position. Tout ça n'était pas très brillant. Peut-être, finalement, aurait-il mieux fait de ne pas laisser sa gourmandise le guider et plutôt rester chez lui, au milieu des débris, à broyer du noir. Mais voilà, il était un peu trop tard pour ce genre de regrets, aussi il laissa échapper un soupir et se passa la main derrière la nuque, réfléchissant et faisant mine de ne pas accorder tant d'importance à l'autre vampire.
Que pouvait-il faire ? L'autre était plus âgé, et donc plus fort. Le seul moyen qu'il avait de fuir était de le prendre par surprise, mais à présent son adversaire était prévenu et il s'attendrait à n'importe quel surprise. Se battre ? Sûrement pas, il ne faisait pas le poids face à une créature ne s'abreuvant que de sang humain. Et encore, son ennemi n'avait-il pas dit ne pas avoir de vrai repas depuis longtemps ? Que se serait-il passé, si cela n'avait pas été le cas ?
Nael en aurait presque frissonné si son état de vampire lui avait permis une telle chose.

« Très bien, fit-il comme s'il capitulait. Allons-y... »

Il reprit son rôle, porta lentement son poignet gauche à sa bouche, puis mordit avidement dans son bras tandis qu'un liquide froid coulait dans sa bouche et sur son menton.
Quelle journée, vraiment. D'abord, Lizzy s'en allait puis il tombait sur un psychopathe animé de pulsions sexuelles. Et l'idée la plus géniale qu'il avait trouvée pour tenter de le maîtriser était de le tenter au maximum avec l'odeur de son sang.
Oui, il en aurait presque ri.

Le vampire se mordit le doigt avec l'une de ses canines, un sourcil levé ; à quoi jouait l'autre vampire ? Était-il l'un de ces vampires suicidaires qui ne supportait plus cette vie ? Comment ne pas aimer cette vie ? Il était fou, fou, complètement fou, il pactisait avec le diable. Alan soupira en passant sa langue sur son doigt ensanglanté qui cicatrisa presque instantanément. Il fit quelques pas en avant puis se ravisa. Qu'avait-il en tête en le tentant ainsi ? Cela faisait trop longtemps, trop longtemps qu'il n'y avait pas goûté, comment résister ? Avait-il déjà résisté ? Non, jamais, ce n'était pas dans ses cordes, ce n'était pas dans son caractère que de se laisser prier. Alan afficha un sourire sordide sur son visage d'ange avant de s'approcher lentement vers son adversaire. Il tourna autour de lui, l'observa de bas en haut en passant sa langue sur ses fines lèvres puis s'arrêta face à lui. Dans une vitesse impressionnante, il attrapa le menton du jeune vampire avec son pouce et son index avant de le tirer violemment vers lui. Du haut de son mètre quatre vingt, il le jaugea dans un regard de mépris :

" - A quoi penses-tu jouer mon petit ? T'es en manque ? Ta copine vient de te larguer ? ".

Alan laissa échapper un rire monstrueux en basculant la tête en arrière, les yeux fermés. Il se tut aussi vite qu'il avait rit et penchant la tête sur le côté, il plongea son ses yeux rouges dans ceux encore couleur ocre de son ennemi. Il ouvrit entre-ouvrit les lèvres et articula pleinement ses mots :

"- C'est pas la première fois que je te le demande mon cœur, alors, cette fois, je veux une réponse claire, nette et précise : comment tu t'appelles ?".

Le vampire assoiffé de sang balada son regard sur les lèvres, rougies par le sang, du petit insolent. Leur deux souffles froids se mêlèrent dans l'obscurité de la nuit et fit apparaitre une fumée blanchâtre. La fumée ; une envie de cigarettes le prit. Étrange pour un vampire de fumer ; ils ne ressentaient plus rien, du moins, pour certains, mais la nicotine était un besoin, une drogue pire que le sang. Elle avait été pour lui, depuis toujours, de survivre. Mais aujourd'hui, sa survie ne devait plus être due à une bouffée mais à une prise de pouvoir. Il devait se faire respecter aux yeux de tous les vampires pour obtenir la puissance et monter son empire. Ce jeune homme, un potentiel subordonné ? Pourquoi pas ?

Les deux silhouettes des vampires se détachaient dans la nuit sur le toit d'une maison, et Nael faisait tout son possible pour continuer à jouer le jeu du potentiellement instable qui lui faisait face. Apparemment, il l'intriguait, et c'était déjà un petit - voire tout petit - point positif. A son stade, il ne pouvait se permettre trop de luxe, étant donné qu'il vivait peut-être ses derniers instants.

« En manque... ? »

Nael laissa échapper un petit rire, à l'opposé de la démence qui avait saisi celui de l'autre vampire, mais plein d'ironie.

« Je suis... Nael... »

Répondit-il finalement, en marquant les espaces entre chaque mot d'un ton désinvolte.
Il lui fallait trouver de quoi relancer un nouveau monologue de l'inconnu, sans quoi il serait plus vite tenté de passer à table - au sens propre.

« Je ne suis pas en manque d'affection, ça, certainement pas. Seulement en manque d'action... Il ne se passe rien, ici. »

Il avait continué avec le même timbre ennuyé et lent, et son mensonge si bien peaufiné lui sembla réel à lui-même, car après tout, Lizzy étant partie, son côté animal et prédateur avait pris le pas sur son humanité qui s'était cachée bien au fond de lui. Il ne lui semblait plus ressentir grand chose, à présent.
Et puis, qui d'autre qu'un vampire en terrible manque d'évènements dangereux se serait volontairement ouvert le bras en face d'un congénère plus âgé, et surtout assoiffé ?

« Et toi, le Grand et Mystérieux ? Aurais-tu un nom ? »

Il se doutait fort que le vampire n'apprécierait guère cette question puisqu'il se sentait en position dominante, toutefois, s'il s'en tirait, Nael voulait savoir à qui il aurait à faire, et surtout mieux connaître cet inconnu qui ne manquerait pas de le retrouver pour lui faire la peau. Enfin, pour le démembrer, plutôt...

La nuit semblait glacée, mais pour les deux vampires cette nuit paraissait d'un banale horrifiant, quoi que, leur rencontre n'était pas banale mais plutôt dû au hasard. Alan tenait toujours entre ses doigts le menton du jeune vampire et avant même qu'il ait pu le temps d'ouvrir la bouche, une goutte tomba sur sa joue. Il leva lentement la tête et remarqua que le ciel était en train de se voiler, les nuages gris recouvrant ainsi l'astre lumineux qui les éclairaient. Progressivement , la pluie se mit à s'abattre sur eux, sans qu'ils n'aient pu le prévoir. Alan lâcha le menton du jeune Nael et recula d'un pas, le sourire toujours aux lèvres. Il passa une main dans ses cheveux qui commençaient à être mouillés par la pluie puis fit craquer ses vertèbres en penchant la tête sur la droite puis la gauche. Il ne cessait de regarder le jeune vampire. Cette odeur. Il sentait l'amour. Non, il empestait l'amour. L'amour d'une femme. Son sourire s'accentua et il se mit à tourner autour de lui, l'examinant de bas en haut. Après une longue réflexion, il finit par se mettre de nouveau face à lui, les mains derrière le dos et lui murmura , la tête penchée toujours sur le côté :

" - Il pleut. Et je pense que, nous deux, nous avons besoin d'une grande discussion. Je te propose de venir chez moi, pour discuter. Ça t'intéresse ? ".

Des gouttes d'eau perlaient sur son visage et, malgré le fait que le soleil ne les éblouisse pas, ils gardaient une certaine luminescence. Le vampire fit craquer à nouveau ses doigts et s'approcha de nouveau d'un pas vers lui. Il se courba légèrement en avant et, frôlant les lèvres du jeune insouciant, il lui murmura d'une voix suave :

" - A moins que tu ne veuille pas... Ou, plutôt, que tu aies peur...".

Le vampire se mordit la lèvre sensuellement puis ajouta en levant les yeux au ciel :

" - On peut aussi aller chercher de quoi manger avant. Et, peut-être même, de quoi s'amuser... ".

Alan reporta son attention sur le regard encore ocre de son nouvel invité et, dans un sourire sadique qui dévoila ses crocs, il susurra :

" - J'aime jouer avec la nourriture.".

Alors que la pluie commençait à détremper les vêtements des deux vampires, Nael sentait quelques unes de ses résolutions vaciller. Lizzy partie, il n'avait plus rien à perdre, pas même sa vie, puisqu'il était déjà mort.
Mort et vidé de tout entrain depuis le matin.
Après tout, il semblait normal qu'un être comme lui, placé sur le plus haut sommet de la chaîne alimentaire, n'éprouve aucun remord suite à ses précédents meurtres. Le sentiment qui l'avait rongé lorsqu'il avait tué cette jeune femme juste après sa transformation n'était rien d'autre que les restes d'humanité de sa "vie antérieure".
Sentiment qui ne l'avait que trop suivit lors des quarante années suivantes.

- Il pleut. Et je pense que, nous deux, nous avons besoin d'une grande discussion. Je te propose de venir chez moi, pour discuter. Ça t'intéresse ?

Oui, vraiment, il n'avait plus rien à perdre.
Le vampire qui lui faisait face fit craquer sinistrement les jointures de ses doigts et s'approcha encore.

- A moins que tu ne veuilles pas... Ou, plutôt, que tu aies peur...

Nael cherchait le meilleur moyen de formuler une réponse positive qui ne soit pas celle d'un suicidaire s'offrant à un psychopathe, ni celle de quelqu'un de trop désintéressé. Alors, une petite voix sournoise dans sa tête, qui ne ressemblait que trop à celle de Lizzy, lui dit dans un ricanement : "Les mensonges les plus courts sont les meilleurs..."
Il se mordit l'intérieur de la joue et sentit, au loin, un humain traverser une rue transversale. Le plus naturellement du monde, alors que la brûlure dans sa gorge augmentait à nouveau, il annonça :

- Non. J'ai plutôt faim, en fait. Notre dîner s'en est allé, alors maintenant...

Il évita de signaler qu'il tenait son interlocuteur pour responsable de cela et se contenta d'un sourire en coin face à la remarque provocante de ce dernier qui pouvait tout à fait laisser entendre qu'il ne jouerait peut-être pas avec un humain, mais avec lui...

L'espace d'un instant, un éclair fendit le ciel et éclaira le visage du vampire qui laissait percevoir un regard noir et un sourire dévoilant des crocs acérés. Alan se rapprocha du jeune vampire et se pencha sur son oreille. Lui aussi avait sentit l'odeur de l'humain qui vaquait à ses occupations habituelles. L'odeur se faisait davantage plus alléchante qu'avec la précédente victime. Alan en frémissait déjà. Il s'imaginait déjà tracer de son index la veine de son cou, caresser la peau de sa victime avec ses crocs, sentir l'odeur de ses cheveux. Oui, il en frémissait rien que d'en sentir l'odeur, l'odeur que dégageait cet humain. Le vampire déglutit et s'humecta les lèvres en fermant les yeux avant de susurrer d'une voix suave à l'oreille de Nael :

" - Alors, toi aussi tu as sentit son odeur ? Je vais t'apprendre ce que c'est que la chasse mon tout petit...".

Le vampire donna un léger coup d'épaule à son compère pour le pousser de quelques centimètres et sauta du toit. Comme si la hauteur lui était égale, il atterrit sur ses deux pieds en fléchissant les jambes et en touchant le sol de sa main droite. Il resta un long moment dans la même position pour mieux observer sa proie. Il sourit, la tête baissée, les yeux levés vers sa victime, lui donnant davantage un air pervers et mal intentionné. Il ferma les yeux une fraction de seconde et se mit à courir à une vitesse plutôt impressionnante. Il attrapa en un rien de temps l'homme par la tête et l'envoya en arrière contre le sol. Sans s'en rendre compte , l'homme était déjà inconscient, par terre. Alan s'essuya les mains d'un air satisfait et leva les yeux au ciel, plutôt, les yeux vers le toit, vers Nael. Il arborait toujours ce sourire détestable et fit un clin d'œil au jeune vampire :

" - T'inquiète ! Il est pas mort ! On pourra s'amuser... ".

Alan se mordit la lèvre inférieure et murmura comme à lui même :

" - Tout les trois... ".

La nuit avait envahie la ville et la pluie battante ne cessait. Seuls les lampadaires éclairaient les deux vampires. La nuit risquait d'être longue. Très longue.

Nael sauta du toit et atterrit à côté de l'autre vampire avec légèreté, se délectant de cette nouvelle force que lui prodiguait le sang humain et qui n'était que l'ombre des capacités qu'il acquerrait à la longue. Sa vie de végétarien l'avait privé de cet avantage, il s'en rendait compte, et même son don s'en était trouvé affaibli, car maintenant ses sens sur-développés s'affinaient encore plus à chaque instant. Ce fut certainement ce qui lui permit de comprendre la phrase peut encourageante que l'inconnu avait chuchoté pour lui même.
Mais pourtant, au lieu d'avoir une réaction intelligente et réfléchie, il se contenta d'un regard provocateur avant de s'agenouiller près du corps de l'humain inconscient. Il fit toutefois attention à ne pas tourner totalement le dos à son interlocuteur, mais juste assez pour que son rôle reste convaincant.
D'un geste lent, il passa sa main derrière la nuque de leur proie et releva l'homme comme s'il n'avait été qu'une poupée de chiffon. A nouveau face au vampire, Nael approcha ses lèvres de la carotide de leur future victime et caressa doucement la peau humaine et tiède. Il se concentra de toute ses forces pour ne pas littéralement arracher le cou sur lequel battait l'artère qui envoyait une odeur attirante au possible, et respira le moins possible cette fragrance à laquelle il avait tant de mal à résister.
Passant son autre main dans les cheveux de l'humain et ébouriffant sa tignasse foncée il sourit d'un air carnassier, ses instincts primaires prenant le dessus sur sa personnalité.
La douce furie qui s'emparait d'un vampire en pleine chasse commençait à lui brouiller les sens, et il ne put s'empêcher de lécher lentement et avidement l'endroit où battait le sang derrière la fine protection de l'épiderme.
Puis, avec une retenue qu'il ne pensait pas avoir, il s'approcha encore de l'autre vampire et, les iris plus rouges que jamais, lui envoya un regard voyageant un message de supplication.
Il voulait jouer. Plus que jamais.

Le jeune vampire regarda son nouveau compère le rejoindre en un saut. Nael atterrit sur le sol avec une certaine légèreté, comme s'il n'était qu'un chat dont l'apesanteur n'avait aucun effet sur lui. Les yeux toujours rivés sur l'autre vampire, Alan l'observa minutieusement ; comment un vampire, plutôt jeune et n'ayant pas chasser depuis très longtemps pouvait réagir de cette façon avec une proie ? Alan sourit en passant sa langue sur ses lèvres. Malgré qu'il ait perdu une proie, il venait dans gagner deux. Il passa une main dans ses cheveux et, se rapprochant lui aussi davantage du jeune vampire, il s'accroupit, effleurant les lèvres du jeune Nael, et attrapa le corps inerte de l'homme qu'il venait d'assommer. Il mit tranquillement ce dernier sur son dos et d'un signe de tête, montra le chemin à Nael.

Les deux vampires marchèrent sans un mot dans les ruelles sombres de Forks, sous la pluie battante, à l'heure où les personnes diurnes dorment à points fermés. A l'allure mortelle, ils atteignirent l'appartement d'Alan au bout d'une trentaine de minutes. Ils montèrent les escaliers puis, dans un grincement de porte, ils entrèrent à l'intérieur du hall d'entrée. Alan posa le corps sur le canapé et enleva précautionneusement sa veste qu'il posa ensuite sur l'une des deux chaises de la maison. Hormis un canapé, une table, deux chaises, une télévision dans le salon et un lit dans sa chambre, l'appartement était plus que sobre, il était carrément vide. Le vampire défit les lacets de ses rangers et les posa dans un coin du salon, invitant son nouvel invité à faire de même. D'une démarche non-chalant, il gagna la salle de bain et revint avec deux serviettes ; il en lança une à Nael en lui disant, la tête légèrement penchée sur le côté et le regard vif :

" - Mets-toi à ton aise. On dînera très bientôt. ".

Sans gêne, Alan retira son t-shirt à manches courtes noir et le jeta sur le canapé, près du corps de la proie. Il s'essuya les cheveux à l'aide de la serviette puis la passa vite fait sur son torse avant de la jeter, tout comme le t-shirt, près de l'homme. Dans une position plutôt viril, il s'appuya contre le mur en passant sa langue sur sa lèvre inférieure avant d'ajouter :

" - Les dames d'abord. ".

Affichant un sourire machiavélique, Alan voulait voir ce dont ce petit vampire urbain pouvait se débrouiller sur ce corps. Peut-être que le jeune Nael dévoilerait une certaine agilité, peut-être même se découvrirait-il des spécialités dont il n'aurait jamais soupçonné l'existence. Une main contre le mur, l'autre posée sur sa hanche, Alan était impatient de voir la férocité de son camarade de chasse. Qui sait, peut-être aurait-il trouvé un disciple ?

[Sorry, c'est pas bien long... T__T]

Nael se prenait de plus en plus au jeu que lui imposait son inconnu. Pire que cela, il commençait même à remarquer que cette façon de se nourrir ne lui posait plus aucun problème ni aucun dégoût. Il avait fini par dissocier l'humain de la proie, ne gardant plus aucune sensibilité envers cette "race" à laquelle il avait autrefois appartenu.
Il attrapa au vol la serviette que lui lançait l'autre vampire et s'ébouriffa les cheveux en les séchant quelque peu tandis que son interlocuteur s'appuyait contre le mur, bras croisés, le regardant d'un air machiavélique.

- Les dames d'abord...

Nael étouffa un petit rire. Il avait beau savoir qu'il risquait sa vie - ou plutôt sa mort - tout cela ne l'effrayait guère. Son caractère effronté pris le dessus et, alors qu'il se débarrassait de sa chemise qui lui collait à la peau, il jeta un regard moqueur à l'inconnu.

- Après toi, donc. Mais dis-moi, tu sembles toi aussi rechigner à donner ton nom... ?

Il s'assit sur une chaise et s'adossa contre le dossier, jouant de ses doigts avec l'épingle à nourrice qui passait au travers de la fine cicatrice qu'avait laissée son créateur quarante ans plus tôt.
Ce nouveau jeu lui plaisait vraiment, et lui faisait même oublier le départ de Lizzy. La personnalité du vampire qui lui faisait face l'intriguait et, malgré ce qu'il risquait, il avait envie d'en savoir plus sur lui.

La seule chose qu'attendait le prédateur était de pouvoir manger. Seulement, Nael ne semblait pas vouloir s'approcher de la victime malgré l'invitation qu'Alan lui avait lancé. Indécis et de surcroit, curieux, Alan se décolla lentement du mur et d'une marche plutôt naturelle mais provocante, le vampire s'approcha de l'homme déposé sur le canapé et sans gêne grimpa à califourchon sur lui. Il l'observa longuement l'homme et grimaça ; dans le noir, il semblait déjà plus bel homme. Il regrettait même d'avoir prit cette chose pour dîner. Il attrapa le menton de son nouvel hôte avec deux doigts et l'examina plus intensément. Non, décidément, il était vraiment d'une mocheté incroyable. Alan grimaça davantage et murmura comme pour lui-même :

" - Pfff ... J'vais devoir boire ça... Et bien mon pote , ta vue baisse. ".

Alan passe une main dans ses cheveux comme pour les recoiffer et adressa un sourire à Nael avant de lui lancer :

" - Bon bah , je commence vu que tu n'es pas décidé à manger le premier , mon cher Nael. ".

De son sourire hypocrite, il accentua le nom de Nael d'une voix suave. Il se mordit la lèvre et grimaça en tournant la tête vers sa proie. Il soupira puis posa ses lèvres dans le creux du cou de l'inconnu et commença à boire lentement, presque goutte par goutte. Après quelques gorgées, il redressa la tête, des gouttes de sang perlées toujours au coin de sa lèvre inférieure. Il déglutit, les yeux fermé, et ajouta :

" - T'as beau être moche, ton sang est plutôt pas mal... ".

Le vampire rouvrit les yeux et se leva d'un bond avant de se diriger en vitesse vampirique vers Nael. En un clin d'œil il se retrouva devant lui. D'un geste furtif, il arrangea une mèche de cheveux de Nael et lui sourit, les yeux baissés sur lui :

" - Tu peux manger, maintenant, Nael. ".

Alan semblait faire exprès d'insister sur le nom de Nael. Sûrement parce qu'il l'avait questionné sur son propre nom. C'est vrai, il ne le lui avait pas dit. Son sourire s'élargit. Oui, cela lui rappelait sa rencontre avec Alexeï ; un nom contre une couleur d'yeux. Il se rapprocha de quelques centimètres de lui, la tête légèrement baissée, ses lèvres touchaient presque celles de Nael, et de son regard sanglant , il lui dit :

" - Hmmm ... Que me donnerais-tu contre mon nom ? ".

Tandis qu'Alan s'abreuvait de leur victime, Nael laissait les effluves du sang prendre le contrôle de lui-même. Sa gorge le brûlait tant il avait soif, mais il se contint et resta appuyé nonchalamment contre le mur.
Il avait tant changé depuis le départ de Lizzy qu'il ne se reconnaissait plus lui-même. En deux jours, il était passé du vampire repentit et végétarien rempli d'humanité et d'amour au monstre sanguinaire qui ne se souciait plus de tuer en laissant derrière lui un carnage innommable. Il avait également découvert que marcher près des humains lui était beaucoup plus facile que lorsqu'il était rassasié de sang animal, et se mêler à eux était un jeu qu'il aimait beaucoup. Il observait leurs petites vies ridicules puis choisissait le plus alléchant de tous pour repas. Ce n'était, au final, pas bien différent que de choisir un menu sur une carte au restaurant.

- Tu peux manger maintenant, Nael.

Alan s'était relevé et l'observait d'un regard impénétrable. Il semblait le jauger. Puis il se rapprocha encore jusqu'à presque toucher le visage de Nael et souffla :

- Hmmm... Que me donnerais-tu contre mon nom ?

Le vampire ne put s'empêcher de sourire tout en étant pris d'une envie folle de se jeter sur les lèvres d'Alan sur lesquelles l'odeur et le goût du sang étaient encore imprimés. Il se contenta toutefois de soutenir le regard de celui qui lui faisait face.

- Que voudrais-tu contre ton nom ? Quel valeur l'anonymat a-t-il donc pour toi... ?

Il avait prononcé la deuxième question plus pour lui-même, car il avait déjà réfléchi à se créer d'autres identités afin de brouiller les pistes. Pour les humains comme pour les vampires. Et alors, son nom n'aurait plus une réelle importance, puisqu'il pourrait en changer comme bon lui semblait. D'ailleurs, il doutait que l'autre vampire ne lui donne son vrai nom, mais peu importait, Nael voulait surtout nommer son interlocuteur pour la forme, pour jouer plus facilement avec lui sur les mots.

Toujours très proche de Nael, il pouvait sentir le souffle chaud de ce jeune vampire lui caresser le visage. Malgré le fait qu'Alan lui ai proposé de se servir, à présent, du cadavre encore chaud de l'humain et de son regard avide de se nourrir , Nael ne s'était pas jeté dessus et continuait de soutenir le regard d'Alan. Etrangement, cela déstabilisa Alan qui détourna le regard subitement avant de tourner carrément le dos à son nouveau compagnon. L'anonymat, n'est-ce pas ? Il est vrai que c'était un bien précieux que peu de personnes, humaines, loups ou encore vampires pouvaient se payer le luxe de le garder. Ce qu'il voulait contre son nom ? Il ne le savait même pas. Il suffisait de regarder Nael pour savoir tout de lui, de ce qu'il avait traversé, enduré. Que pouvait-il savoir de plus ? Qu'avoir de plus ? Alan y réfléchit quelques secondes puis se tourna vers Nael à une vitesse incroyable, sa veste n'ayant même pas le temps de virevolter dans l'action. Il donna un léger coup de pied dans l'homme maintenant vidé de son sang, juste pour le tourner légèrement et dit d'une voix égale :

" - Voilà, il s'est vidé de son sang maintenant, il ne te reste plus qu'à lécher le sol... ".

Soudain, une idée traversa l'esprit d'Alan ; il baissa lentement les yeux sur son t-shirt noir taché de sang puis releva le regard pour le poser sur Nael. Être un vampire demandait de la ressource et heureusement pour lui, il en disposer d'assez pour pouvoir s'amuser un peu. Il inspira profondément, même si le besoin de s'en faisait pas ressentir et enleva sa veste puis son t-shirt qu'il déposa sur le sol. De la hanche, il frôla les vêtements de Nael et se dirigea vers la salle de bain. Dans un sourire presque irritant, il lui lança :

" - Si tu veux, je peux te donner quelque chose de mieux que le sang de cet humain. ".

Le vampire s'adossa contre l'encadrement de la porte et jeta un regard en arrière :

" - Tu savais que le sang de vampire était très... Addictif ? ".

Alan lui sourit avant de passer sa langue sur ses lèvres :

" - Ton sang contre mon nom. Ton corps contre mon identité. ".

Alan se mordit la lèvre inférieure de sorte à la faire saigner puis, laissant son sang couler le long de sa lèvre jusque sur son menton, il susurra :

" - Pourquoi garder l'anonymat alors que je peux faire ce que je veux de toi ? ".

- Pourquoi garder l'anonymat alors que je peux faire ce que je veux de toi ?

Les mots d'Alan n'avaient vraiment rien de très encourageant, toutefois Nael se sentait d'humeur à faire quelque chose de fou. Depuis combien de temps ne s'était-il pas permis une telle effronterie ? A vrai dire, il ne pensait pas s'être laissé aller depuis son adolescence, en tant qu'humain. Et même s'il avait encore le corps d'un jeune homme de dix-neuf ans, il traînait derrière lui plus de quarante ans d'enchaînement qu'il s'était imposé à lui-même. A présent, il trouvait cela stupide. Il avait l'éternité, et sa première réaction avait été de se mettre des barrières. Il avait toutes les compétences utiles pour ne laisser aucune trace derrière lui, mais pourtant il s'était forcé à rester sage, obéissant aux lois régies par les humains.
Mais il était vampire. Pourquoi, alors, entraver cette liberté totale ?
Son regard changea tandis que disparaissait son indécision, et il se rapprocha lentement d'Alan qui s'était appuyé contre l'encadrement de la porte. Il passa une main de le cou du vampire puis lécha lentement le sang qui coulait sur son menton tandis qu'une sensation électrique traversait son corps qui recevait son dû.
Il se recula ensuite et vrilla ses yeux dans ceux, écarlates, d'Alan.
Il ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur cet étrange personnage qui lui faisait face. Il avait une lueur sauvage dans le regard et tout en lui clamait qu'il était le prédateur. Nulle besoin d'avoir beaucoup de finesse pour s'en rendre compte. Un simple humain devait fuir de terreur, face à lui. Probablement que l'idée première de son interlocuteur était de faire de Nael une proie. Toutefois, il ne s'était certainement pas attendu à ce qu'il réponde ainsi à ses propos ambigus, et cela amusait Nael, d'une certaine manière.
Comme s'il retombait dans l'adolescence, il avait envie de prouver qu'il n'était pas ce petit sain qu'il s'était forcé à devenir, et Alan lui offrait l'opportunité parfaite pour cela. Il manierait la provocation mélangée à une petite dose de témérité, et si cela ne lui plaisait plus, il s'en irait chercher d'autres moyens d'occuper sa vie d'immortel.
Mais en attendant, un jeu avait été lancé, aussi il entra dans le personnage qu'il jouerait et lança, un petit sourire au coin des lèvres :

- Crois-tu donc que je sois si chaste que cela ?

Étonné sans réellement le montrer, Alan n'aurait jamais pensé que Nael puisse rentrer si facilement dans la danse. Surpris, oui, mais agréablement. Il le regarda s'avancer, très lentement, comme pour faire durer ce suspense intenable, puis sentit vaguement la langue du jeune vampire lécher avidement le sang sur son menton. Même s'il ne laissait rien transparaitre, il n'avait qu'une seule chose en tête ; attraper Nael par le col, le coucher au sol et boire son sang en sentant son corps contre le sien. C'était un jeu bien dangereux dans lequel ils s'engageait. En réalité, tous deux jouaient avec le feu. Les derniers mots de Nael le firent vaciller ; aurait-il enfin trouvé quelqu'un à sa taille ? Il esquissa un sourire et d'un revers de main, il essuya le peu de sang qui restait sur son menton. Il se mit dos à Nael et gagna la salle de bain ; sans attendre, il fit couler un peu d'eau dans la baignoire après l'avoir bouchée. Il cligna plusieurs fois des yeux comme pour se persuader de ne pas sauter à la gorge de celui qui l'accompagnait. Même s'il était d'un indéniable désir, il n'en restait pas moins une proie, une proie qu'Alan se ferait une plaisir de déguster jusqu'à l'os. Il se retourna ensuite face à Nael et dans un geste d'une sensualité non négligée, il glissa ses doigts le long de son propre torse jusqu'aux boutons de son jean noir. Il les dégrafa un à un puis défit tout aussi lentement, tout aussi sensuellement la fermeture éclair de son pantalon. Il n'eut même pas besoin de faire descendre son pantalon qu'il glissa de lui-même jusqu'à ses chevilles. Il enjamba ensuite son pantalon puis retira son boxer beaucoup plus vite, comme lassé de sa sensualité. Il s'assit dans la baignoire puis s'accouda au rebord, la tête touchant légèrement l'eau.
Après un long soupire de bien être, l'eau commença à se tinter de rouge, du sang de sa victime. Les yeux plongés dans l'obscurité, Alan rêvait d'un bain de sang. Un vrai. Il secoua doucement la tête comme pour se ramener à la réalité. Il regarda l'encadrement de la porte, il regarda Nael, et la tête légèrement penchée sur le côté, il lui lança :

" - Alors, créature de pure chasteté. Tu viens ? ".

D'un air nonchalant, Nael se débarrassa de sa chemise, la laissant tomber sur le carrelage. Peut lui importait la suite des événements. Au pire, il ressortirait de chez ce vampire sain et sauf. Au mieux, cet espèce de psychopathe mettrait un terme à son immortalité.
Mais Nael en savait assez sur leur race et sur comment tuer l'un d'entre eux. Démembrement puis bûcher... ! Il y avait peu de chance que son interlocuteur décide d'allumer un feu de joie au beau milieu de la nuit.
Il continua de se déshabiller sans prêter attention à l'inconnu qui l'observait sans ciller puis enjamba le rebord de la baignoire et se glissa lentement dans l'eau, face à Alan. Il darda enfin son regard dans les yeux écarlates qui le fixaient et pencha légèrement la tête sur le côté, comme s'il avait pu lire dans ces iris.
Ils se touchaient franchement, à présent, et cette soudaine proximité fit tomber toutes les barrières de Nael qui laissa une main vagabonder sur la jambe d'Alan, jouant parfois avec l'eau teintée de rouge, observant avec curiosité ce phénomène qu'il n'avait encore jamais vu tout en frôlant astucieusement la peau de l'autre vampire.
De temps à autre, leurs regards se croisaient, mais Nael garda le silence. Il voulait qu'Alan donne le ton, qu'il puisse jouer son jeu, feignant ainsi une témérité incontrôlée de vampire nouveau-né. Il se demanda vaguement ce qu'auraient pensé de lui ses connaissances. Toutes, pour la plupart, étaient décédées. Mais qui l'aurait vraiment reconnu, à présent ? Il repensa à ses nuits de débauche à Portland alors que son père se battait au Viêt Nam. L'odeur de l'herbe, de l'alcool et les rires d'adolescents ivres morts lui revinrent en mémoire, étirant un sourire sur ses lèvres. Malgré tout, il s'agissait de ses plus belles années. Juste avant qu'il ne redevienne cet enfant sage, juste avant qu'il ne soit finalement transformé.
Il reporta son attention sur Alan, face à lui, mais son sourire ne le quitta pas. Il allait s'amuser, qu'importait comment se terminerait cette nuit.

Alan s'était fait un malin plaisir à observer le jeune vampire se déshabiller sans gêne devant lui. Il avait examiné chaque courbe de son corps avec avidité, les lèvres pincées. Une fois complètement nu, il s'était glissé face à Alan, dans la baignoire remplie d'eau. Il déglutit. Même s'il avait toujours choisit un gibier plutôt bien fagoté, ce vampire qui lui était offert sur un plateau d'argent avait de nombreux avantages qu'il pourrait facilement exploiter. A peine s'était-il glissé dans l'eau que Nael commençait déjà à s'amuser, ce qui amplifier le sourire morbide d'Alan. Oui, c'était un jouet magnifique dont il disposait. Il sentit petit à petit les doigts de Nael glisser sur sa jambe, ce qui le fit légèrement frissonner. Alan mit une jambe de chaque côté de Nael et se souleva doucement pour se mettre à califourchon sur lui. Déjà assez grand, à genoux, il dépassait facilement Nael d'une tête et demi. Il lui adressa un regard hautain avec, toujours ce sourire détestable. Il se pencha vers Nael pour se retrouver à sa hauteur et croisa son regard ; leurs souffles glaciales se mêlèrent.
C'était une sensation qu'il n'avait jamais réellement vécu. Il n'avait jamais couché avec un vampire, du moins, le vampire qui l'avait transformé avec qui il avait couché ne lui avait laissé que pour souvenir une phrase et une marque dans le cou. Jamais il n'aurait proposé à Alexeï de coucher avec lui ; un ancien militaire bien trop fier et bien trop hétérosexuel pour s'aventurer dans les eaux dangereuses de l'homosexualité. Camille ? Non plus, jamais elle ne se serait laissée toucher et Alan, malgré son envie, n'aurait pas eu l'idée de le faire, sous risques de se faire démembrer en un rien de temps vu qu'elle était beaucoup plus vieille que lui. Roy ? Un bon parti, mais trop prétentieux pour Alan. Il avait déjà couché avec Alexander, mais il ne le considérait pas comme un vampire mais plutôt comme un sous-fifre, à l'égal un simple humain. Il ne restait que Nael, Nael avec sa peau douce, ses yeux de braise et ses fines lèvres.
Alan s'assit complètement sur Nael, collant tout son corps contre le sien. De son nez, il frôla la joue de son interlocuteur et vint se nicher au creux de son cou. De sa langue, il traça sa jugulaire jusqu'à remonter à son oreille et lui mordilla le lobe. Même s'il n'avait pas besoin de respirer, son souffle s'accéléra et son regard devint d'un rouge vif ; l'odeur, le goût, tout ce qui émanait de Nael semblait l'appeler. Il frotta sa joue contre la sienne, comme un animal et posa une main sur chaque cuisse de Nael avant de planter brutalement ses crocs dans son cou. A chaque petite gorgée, il renforçait sa poigne sur ses cuisses y enfonçant presque ses ongles. Oui ; le sang de vampire était un repas beaucoup plus goûteux que celui d'un humain.

Se laissant faire par l'autre vampire, Nael s'abandonna et pencha la tête en arrière alors que son interlocuteur lui mordillait le lobe de l'oreille. Toutes ces nouvelles sensations étaient un délice. Si différent de ce qu'il avait vécu avec Lizzy... et pas plus désagréable.
L'autre vampire frottait sa joue contre la sienne, Nael passa une main derrière sa nuque. Puis soudainement, les dents de l'inconnu vinrent se planter dans son cou, brutalement. Il sentait le sang s'échapper de lui à petites gorgées, et si son coeur avait été animé de vie, ses battements auraient accéléré sous ce mélange de panique et d'excitation.
Il sentait que, d'une manière ou d'une autre, il allait finir ses jours avec ce psychopathe dont il ne connaîtrait jamais le nom. Peut-être dans cette baignoire, peut-être dans la chambre à coucher, s'il avait de la chance. Et alors sa vie lui sembla enfin avoir de la valeur. Une partie de lui se réveillait. Un instinct de survie inopiné qu'un prédateur comme lui n'aurait dû posséder prenait forme comme une boule dans son ventre, et il se dégagea gentiment de l'étreinte de l'autre vampire.
D'un air qu'il voulu nonchalant, il passa ses doigts sur la blessure qu'avait faite l'inconnu et lécha son propre sang avec un frisson de plaisir. Le tout, à présent, était de se sortir du foutoir dans lequel il s'était mis. Volontairement.

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